Pour le plaisir ou par obligation, j'ai lu quelques milliers de bouquins. Et étonamment quand je cherche à isoler ceux qui m'ont littéralement scotché au papier, je n'ai besoin de fournir aucun effort de mémoire. Aucun. Les titres s'imposent à mon esprit qu'ils ont imprégné le temps d'une lecture, et bien davantage... Tous ne sont pas forcément récents, certains ne sont peut-être même plus dans le commerce, mais on peut toujours trouver un bouquin... d'occasion.
Quoi qu'il en soit, les livres que j'évoquerai ici valent tous la peine que l'on arrête notre course folle, pendant quelques heures.
Absolument tous.
Et si un jour il n'en reste qu'un, ce sera "Le lion". Aussi sûr qu'il a été le premier, l'interrupteur qui a permis la lumière, il serait bien le dernier, au fin fond d'une île déserte, ou après la fin du monde...
Tous les lecteurs, presque tous en tout cas, ont un livre fétiche, souvent celui qui a ouvert la voie à une cascade d'autres bouquins, d'autres lectures. Le détonateur, le révélateur souvent aussi, à partir duquel il y a eu un avant et un après. Avant, lire m'ennuyait plutôt, je préférais le foot et les copains du quartier. Après, donc élève en 5eme - c'était à la fin du Second Empire - j'ai réalisé qu'un bon bouquin pouvait être agréable... et j'ai cherché à travers des centaines de lectures à retrouver la qualité de l'émotion que "Le lion" m'avait permis de connaître.
A onze ans, donc, "Le lion" m'a embarqué au pied du Kilimandjaro, dans la réserve d'Amboseli, à l'aube, aux côtés de cette Patricia en salopette grise et à peu près de mon âge. Son père, les animaux, les fauves et, très vite, celui qui deviendra King, 'Le lion".
Une relation hors norme, un amour fou, entre Pat et ce lion. Jusqu'au bout, parce que là-bas, et encore aujourd'hui, c'est la terre du peuple Masaï, avec ses jeunes guerriers, ses lances, ses traditions... et viendra le morane Oriounga...
Une histoire magnifique, belle à pleurer, et combien en ai-je vu, en 5eme et en 4eme, écraser furtivement une larme, à l'époque où on lisait encore en classe quelques morceaux bien choisis. Plus tard, certains jeunes ont commencé à sourire, pour ne pas dire se moquer : le monde venait de changer. Irrémédiablement.
Une histoire magnifique, disais-je, et racontée de main de maître dans une qualité de langue à faire pâlir plus d'un écrivain vedette. A l'époque je ne m'en rendais bien sûr pas compte, mais aujourd'hui, je vous le garantis, j'ai bien trop de doigts pour compter nos écrivains vedettes à même d'écrire dans la qualité qui était celle de Joseph Kessel. Bien trop de doigts !
Bonne lecture... et ça n'empêche pas, encore maintenant, d'aimer le foot et les copains !