Ce livre n'est vraiment pas comme les autres. Vraiment pas. Et sans doute n'en avez-vous jamais lu de semblable.
Ce n'est pas un simple bouquin, un de plus... Non. C'est une oeuvre. A lui tout seul.
Le livre d'un jardinier. D'un vrai. Le livre d'un écrivain. D'un vrai.
170 pages. Une dizaine de points en tout et pour tout. Des virgules, des points virgules, ou rien du tout... Donc un rythme de lecture capable d'essouffler le lecteur à son insu. Un JE qui donne l'impression de s'adresser à un TU, mais n'est-ce pas plutôt le même jardinier qui parle et qui se parle, dans une sorte de monologue miroir du narrateur...
Le tout dans un jardin. Et deux parties. Dans la première, le jardinier vit dans son jardin, et ce jardin vit en lui. Dans la seconde, victime d'une crise cardiaque, le jardinier gît dans son jardin. Alors nous entrons dans la mémoire de cet homme, à travers une foule d'images et de souvenirs, à peine séparés par quelques virgules.
Encore un mot : le présent de l'indicatif, d'un bout à l'autre. Comme si ce JE ou ce TU avaient droit à l'éternité. Debout, assis, couché, vivant ou mort, éternellement là. Il n'attend rien. Il est.
Enfin une anecdote. Lucien Suel est nordiste. Donc il m'est arrivé de le croiser, de lui parler, de manger à la même table. Et je me souviens avoir été frappé par le fait qu'il avait refusé de participer à une réunion d'auteurs à laquelle il était convié parce qu'il "avait du travail au jardin, et son abri de jardin à reconstruire entièrement." Et à chacune de nos rencontres j'ai bien du mal à détacher le regard de ses mains. Elles parlent pour lui.